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mercredi 30 avril 2008

Une offre de lecture publique complètement illisible


La navigation sur le site internet de la ville de Nancy a été modifiée depuis la dernière fois que je l'ai visité il y a quelques mois.
Dorénavant, lorsque l'on clique en page d'accueil sur l'onglet "Culturelle", on n'arrive plus sur une page intermédiaire présentant les principaux établissements culturels municipaux, mais directement sur la page de la Bibliothèque municipale :

On pourrait se féliciter que l'offre de la ville en matière de lecture publique soit ainsi favorisée et fortement mise en valeur.
Sauf que, sauf que, quand on commence à lire les informations figurant cette page, on en vient vite à se poser des questions : "un fonds encyclopédique et spécialisé"..., " Elle propose des ouvrages généraux, un fonds de documents sur la Lorraine, des manuscrits"..., "L'essentiel des ouvrages n'étant pas en libre accès (...) Ils seront disponibles à la banque de prêt dans un délai de 20 minutes."...
Je ne sais pas à quoi peut penser un néo-nancéen qui souhaiterait se renseigner pour s'inscrire à la bibliothèque, mais moi, au bout de quelques temps, je me dis que ce que je suis en train de lire correspond à la présentation d'une bibliothèque patrimoniale d'étude, pas de la bibliothèque municipale généraliste que je m'attendais à trouver sous ce vocable.
Et effectivement, si on promène ses yeux sur la page, on finit par repérer dans le menu de gauche un autre lien qui mène lui vers la page de la Médiathèque municipale ! :

Là, tout de suite, on comprend qu'on a affaire à un autre type d'établissement : "Ouverte à tous, la médiathèque offre en libre accès, sur quatre étages, plus de 100 000 documents : revues, romans, documentaires, bandes dessinées, documents sonores, DVD, cédéroms pour les enfants et les adultes ainsi que des accès Internet."

Nancy est loin d'être la seule ville de France où les fonctions de bibliothèque de lecture publique et de bibliothèque patrimoniale sont fortement différenciées et assurées dans des locaux différents, mais il me semble qu'il y a deux choses qui rendent particulièrement illisible et incompréhensible l'offre de lecture publique telle qu'elle est présentée sur le site de la ville :
  • L'utilisation pour dénommer les deux établissements de vocables ("bibliothèque municipale" et "médiathèque municipale") qui, en 2008, sont des quasi-synonymes, pour de nombreuses collectivités, pour une bonne partie des professionnels des bibliothèques et surtout pour le grand public.

  • La présentation des deux établissements d'une façon aussi ostensiblement étanche. C'est un peu comme si le Ministère de la Culture avait une Direction du Livre et une Direction de la Lecture ! (mais, c'est un autre sujet, le problème ne se pose pas à ce gouvernement qui compte se passer complètement de sa Direction du Livre et de la Lecture...)
Le plus étonnant dans tout ça, c'est que cette présentation n'est en tout cas probablement pas due à une quelconque rivalité entre les deux établissements, ni à une bataille d'égos entre leurs responsables : la Bibliothèque Municipale et la Médiathèque Municipale de Nancy ont un seul et même directeur !!

vendredi 25 avril 2008

EXCLUSIF : Les premières hypothèses scientifiques pour expliquer l'épidémie de wi-fite dans les bibliothèques parisiennes


Vous le savez, la presse s'en est fait largement l'écho depuis quelques mois (et encore récemment ici), les bibliothèques parisiennes sont victimes depuis quelques mois d'une épidémie de wi-fite aiguë, se traduisant par des migraines insoutenables affectant spécifiquement des membres du personnel des bibliothèques touchées par l'épidémie.
Les premiers foyers d'infection sont apparus dans six bibliothèques du réseau de la Ville de Paris à l'automne dernier. Depuis, l'épidémie, dont les agents infectieux semblent particulièrement virulents, se diffuse à une vitesse croissante et elle a touché récemment l'un des bastions les mieux protégés de la culture française, la Bibliothèque Nationale de France. Les premiers symptômes apparaîtraient même désormais dans des bibliothèques universitaires de la Capitale, dont la prestigieuse Bibliothèque Sainte-Geneviève.
L'heure est grave. Il s'agit désormais de contenir l'épidémie aux foyers déjà déclarés, dans l'attente d'une thérapeutique encore à trouver, et d'éviter à tout prix une contamination de la lointaine province, voire une épidémie à l'échelle européenne et mondiale.
En complément des rapports et évaluations confiés officiellement à l'Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (INERIS) et à l'Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), nous sommes en mesure de vous révéler en exclusivité les premières conclusions de l'étude épidémiologique menée en secret à Paris depuis le début de l'année 2008 par une équipe scientifique française dirigée par le Professeur Marc Uhni et le neveu du Docteur Rameau.
Tout d'abord, les scientifiques ont été amenés à écarter d'emblée une nocivité des ondes wi-fi elles-mêmes. Certes, il est important que les différentes études sanitaires actuellement menées, notamment par les organismes précités, sur l'éventuelle nocivité des rayonnements émis par l'accès aux réseaux sans fil mais, si cette nocivité était en cause dans l'épidémie de wi-fite, elle aurait été observée également en-dehors des bibliothèques, sur des sujets exposés pendant de longues périodes à des bornes wi-fi, que ce soit en entreprise ou dans des zones d'habitation de moyenne ou forte densité. Or, tous les réseaux d'alerte épidémiologique confirment que l'épidémie de wi-fite ne touche exclusivement que les personnels des bibliothèques parisiennes. La cause de l'épidémie est donc à trouver au sein de ces établissements.
Dans un rapport d'étape que nous avons pu nous procurer, les professeurs Unhni et Rameau émettent l'hypothèse que la wi-fite serait en fait un effet secondaire ayant un effet masquant d'un mal plus profond, un syndrome complexe et non encore défini touchant à divers aspects systémiques des bibliothèques impliquant les fonctions managériales et les humeurs sociales.
Une fois ce constat posé, les chercheurs ont poursuivi leur étude pour essayer de comprendre pourquoi l'effet secondaire allergique lié à ce syndrome porte spécifiquement sur le service de fourniture de connexion internet en wi-fi en libre-accès dans les bibliothèques.
Sans préjuger des derniers entretiens actuellement menés dans le cadre d'une étude épidémiologique randomisée en double cohorte, il apparaitrait que, très logiquement, la maladie s'est portée sur un point particulièrement sensible, un service qui permet à un public, souvent différent du public traditionnel des bibliothèques, d'utiliser un service technologique innovant, librement, sans la médiation des professionels des bibliothèques. Qui plus est, ce service permet d'accéder à une quantité d'information astronomique, dont la presque intégralité n'a ni été sélectionnée ni validée par aucun bibliothécaire. Sans parler des fonctions de communication et de pur divertissement que rend possible l'utilisation de la micro-informatique et des technologies de communication...
L'importance des conclusions de cette étude pourrait décider l'Association des Bibliothécaires Français puis l'IFLA à bousculer le programme de leurs congrès annuels prévus respectivement en juin à Reims et en août à Québec pour que messieurs Uhni et Rameau y présentent les résultats définitifs de leurs travaux.

samedi 5 avril 2008

Sans-fil d'Ariane dans le cyberespace


Le week-end dernier, je me suis retrouvé à guider au téléphone une jeune retraitée qui, s'étant abonnée à l'ADSL il y a peu, souhaitait remplacer l'antivirus qui lui avait été fourni avec son ordinateur, dont la période de gratuité était échue, par un antivirus gratuit.
Cette personne n'est pas néophyte en informatique : elle a longtemps utilisé professionnellement les principaux outils de bureautique et des applications comptables complexes. Elle avait bien cerné son problème, elle savait même qu'elle recherchait par exemple l'antivirus Avast (celui justement que nous utilisons sur mon lieu de travail) et avait déjà fait la recherche correspondante dans Google.
Par contre, elle ne maîtrisait pas du tout les codes de la navigation sur internet, qui paraissent presque évidents à toute personne ayant un peu de pratique : comment interpréter une liste de résultats de recherche ("Il y a plusieurs Avast, lequel je choisis ?"), comment télécharger une application, comment utiliser un utilitaire d'installation de logiciel,...
Nous sommes parvenus à nos fins en quelques minutes et du premier coup, mais cette expérience confirme une réflexion que je me suis souvent faite ces derniers mois :
Même si les fournisseurs d'accès à internet proposent désormais presque systématiquement une installation à domicile à un prix symbolique, une fois les installateurs repartis les usagers se retrouvent tous seuls, sans guide pour naviguer dans le cyberespace. Ceux qui n'ont pas la chance d'avoir près d'eux quelqu'un pour les aider n'ont à leur disposition que le recours aux terribles services d'assistance téléphonique à distance à 34 centimes la minute, quand ça ne marche pas techniquement, et quasiment rien d'autre quand il n'y a pas de panne et qu'il s'agit d'apprendre à utiliser l'internet.
L'offre du secteur privé est encore limitée dans ce domaine mais, même si ce n'était pas le cas, il y a évidemment pleinement la place pour une mission de service public, une mission d'éducation et de formation. Et qui est susceptible de se positionner pour remplir cette mission ? L'Education Nationale ? Elle a entrepris de le faire pour la formation initiale, mais a toujours des difficultés à intervenir dans la formation tout au long de la vie. Les M.J.C. et centres sociaux ? Pourquoi pas, mais vous me voyez venir, il me semble que les bibliothèques ont tout intérêt à investir massivement le créneau de la formation et du conseil pour la recherche d'information. Après tout, à quoi leur servira de constituer et de mettre à disposition de belles collections numériques si leurs usagers n'ont pas les clés pour en profiter pleinement ? Ce serait comme proposer des collections de livres à une population d'analphabètes et rester les bras croisés sans s'étonner qu'ils ne soient pas consultés.
Cette offre de formation et de médiation existe déjà dans de nombreuses bibliothèques, de lecture publique ou universitaire, elle doit être clairement comprise comme l'une des missions importantes des établissements. Ce qui, en clair, signifie qu'on y consacre des moyens et qu'on y affecte du personnel, formé et rémunéré correctement. Ce qui signifie aussi que l'informatique au service du public dans une bibliothèque, ça ne peut pas se réduire éternellement à quelques ordinateurs relégués dans un réduit avec quelques jeunes passionnés recrutés sur contrat aidés qui se démènent pendant que les "vrais" bibliothécaires se consacrent à leur "vrai" travail de bibliothèque.

J'en étais là de mes réflexions et de la rédaction de ce billet quand, mercredi, en faisant mes courses dans ce supermarché culturel, je suis tombé en quelques pas sur trois supports de communication imprimés faisant la promotion d'un service lancé par la FNAC en octobre 2006.
Si les supports de promotion étaient aussi en vue dans le magasin, c'est qu'après une grosse année de rôdage la FNAC a décidé de mettre le paquet sur ses services d'assistance à domicile.
Ce qui confirme, s'il en était besoin, qu'il y a un énorme besoin dans ce domaine, et même un marché. Et la FNAC entend bien se positionner en tête sur ce marché, quitte à se contenter de mettre en avant son image de marque et à jouer avec l'esprit des règles, sinon avec leur lettre, puisque, la loi interdisant à un vendeur de biens matériels de proposer des services à domicile, ce sont en fait des employés de Form@home, une autre société du groupe Pinault-Printemps-Redoute, qui débarquent chez les clients seuls face à l'informatique.
Et dans quelles conditions cette formation à domicile est-elle proposée ? Dans des conditions qui, bien sûr, réduisent le public potentiel à une frange relativement aisée de la population : près de 150 € pour 2 h de formation sur mesure à domicile, avec la possibilité d'une déduction fiscale de 50 % de la dépense l'année suivante au titre de la loi sur les services à la personne.
Dans ces conditions, on peut parier qu'il y a largement la place pour une offre ouverte au plus grand nombre élaborée par les bibliothèques.